29/09/2023 - Jaione Camborda compose un récit sur la maternité, la sororité et la fuite pour raisons de survie qui se trouve magnifié par la sensibilité avec laquelle elle a soigné le moindre détail

O corno, une histoire de femmes [+lire aussi :
bande-annonce
interview : Jaione Camborda
fiche film], deuxième long-métrage de la réalisatrice basque Jaione Camborda, avec lequel elle concourt pour la première fois pour le Coquillage d’or du Festival de San Sebastian, est un drame intime puissant qui tourne autour des sujets de la maternité et du droit des femmes à décider de leur corps et de leur destin. Le film nous emmène sur l'île d'Arousa pendant l’année 1971. Dans cette petite localité de Galice, Maria, pêcheuse de coquillages, exerce aussi la fonction de sage-femme, avec ses voisines. On découvre la sensibilité et l’attention que dédie Maria à ses compagnes dans une séquence initiale brillantissime, où pendant environ dix minutes, on assiste à l'accouchement d’une femme, que la caméra de Camborda observe avec une attention et une délicatesse comme on en a rarement vu.

Ce goût du détail donne le ton de l'ensemble du film. Une attention minutieuse est accordée aux corps et aux mouvements des personnages, sans pour autant que soit jamais délaissé l’environnement dont ils font partie. Maria nous est montrée comme une femme forte et solitaire, dotée d’une indépendance peu commune chez les femmes espagnoles des dernières années du franquisme. C'est ce tempérament qui va l'amener à se mettre en jeu pour la liberté de ses compagnes, au point qu'elle va prendre des décisions risquées avec des conséquences terribles qui vont marquer son destin.

Obligée de fuir le lieu où se trouve toute sa vie, elle entreprend un voyage sans retour pour pouvoir traverser la frontière vers le Portugal. Dans cette escapade désespérée, Maria dispose d'un réseau de femmes pour s'occuper d'elle et la protéger, de la voisine qui l'avertit que sa vie est en danger et qu'elle doit fuir à la prostituée (la formidable Siobhan Fernándes, pour la première fois à l'écran) qui l'accueille à destination. Pendant tout ce trajet, on suit l'héroïne avec un intérêt qui ne décroît pas, en grande partie grâce à l’excellent travail de la comédienne également débutante Janet Novás, qui use de son expérience de danseuse pour doter son personnage d'une expressivité physique impressionnante.

Tout au long du film, les scènes mémorables s'enchaînent, où la photographie de Rui Poças sait capter toute la beauté des paysages environnants avec une sobriété éblouissante. L'authenticité indéniable du film vient aussi du travail fondamental qu'ont fourni Melania Freire sur les décors et Uxía Vaello sur les costumes. Ainsi, des lieux comme le "furancho" (une sorte de taverne domestique), les bateaux des pêcheuses ou les maisons où l'héroïne est accueillie prennent vie, et témoignent eux aussi du respect avec lequel le film traite les vies et les espaces qu’il dépeint – des vies et des espaces peu représentés sur le grand écran jusqu'ici, mais qui prennent ici une précieuse revanche, grâce à la splendeur de O corno, une histoire de femmes.

Le film a été produit par les sociétés espagnoles Esnatu Zinema, Miramemira et Elastica Films avec Bando à Parte (Portugal) et Bulletproof Cupid (Belgique). Les ventes internationales du film sont gérées par Films Boutique.

(Traduit de l'espagnol)

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